- Annick Perrot-Bishop
Ombre et lumière
Nous sommes nés
au plus profond
là où l’infime a commencé
à peine un frémissement
dans la noirceur glaciale
lumières immobiles nous dormions
rêvions de nous créer
cellule d’abord
solitaire
puis de nous recréer
comme un dieu qui se multiplie
se divise pour ne plus être seul
pour exister dans un regard
tu es né je suis née
de cette division première
de ce chant à deux
qui a répondu à l’appel de l’air
pattes poumons ailes
désir de bouger
de s’élancer vers la lumière.
***
Une étoile est tombée
fracassant le fond des mers
et les vagues ont déferlé
en monstres d’écume
saccage des poumons
cris au bord du gouffre
monde en miettes en furie
qui avance vers la chair des terres
et dans la marée des pleurs
de petites lumières s’envolent
âmes douces et amères
brûlant dans la noirceur
étoiles recréées
quittant la boue et la pourriture
où s’enlise l’effroi.
***
Tu appartiens à la terre
femme de pluie
avec tes rondeurs de sable
tes cheveux d’algues mouvantes
tes yeux où se cache une étoile
et tu avances
malgré les rocs et l’ombre
comme une lueur trébuchante
têtue avide
assouvis ta soif dans cette flaque
lèves ton visage vers le soleil
qui caresse doucement ta joue
en mange l’ombre avec tendresse.
***
Ton corps
terre où tu t’enracines
jambes en tronc
pieds emmêlés de glaise
feuillages effervescents
le coeur battant au milieu des branches
ton corps fort comme un arbre
solide contre le vent
souple et parfumé
tu t’enfonces pour embrasser ton double
celui des profondeurs
de l’obscurité et du mystère
ton corps-ombre
qui veut être aimé
accepté, accueilli
unissez-vous
ombre et lumière
en un seul arbre
au double-visage de la vie.