- Laetitia Bischoff
Guérisseuse
Il est des poèmes que l’on crée avec le lointain, par l’inconnu. En fermant les yeux apparaissent des images que l’on tisse auprès des vieux tiroirs de sa mémoire.
Je me suis prêtée au jeu d’écrire pour les femmes de pêcheurs, et conter leur attachement à cette étendue qui les cerne, la mer. Des silhouettes de dos que leur costume et leur verticalité rendent stoïques, les pieds au sol, le cou tordu vers l’horizon. Elles sont telles des balises qui lancent au couchant leur tristesse, leur espoir, leur rage. J’ai voulu me fondre en leur plainte et rêver comme elles, de défaire la tempête comme on efface un dessin.
Guérisseuse
te nettoies-tu
des pleurs
comme tu laves
la roche en sable?
Appât du soleil
aimant des rêves
à ne plus les laisser vivre
ton étendue
biaise la finitude
de mes organes
tu nargues, canardes
les plaintes en tes fonds
et émiettes le temps de ceux qui te parlent chaque soir
……………….
Le minéral et l'air
ce lieu serré de vie
nue poursuivie
de vent
la plage
et sa route
idem au fond
les poux de mer
le roc et
ce qui s'effrite
rien ne mûrit
les idées s'y rincent
la colonie des êtres reprend
des algues balancent leurs jours
avec l'eau pour marmite
……………….
La mer
est une patrie
elles s'y usent
du regard
leur verticalité se guette comme une balise
"terre"
les pleurs
nourrissent les flots
les gémissements
abreuvent le ciel
Elles font front
sans ruse
à l'embuscade
de la tempête et
du poisson
Pleureuses un écartèlement du sol au cœur
……………….
Le vent
gant de toilette
débarbouille
la stratosphère
et crucifie les étoiles
il secoue la mer, veille couette,
qui se débarrasse
de ses ondes crispées
auprès de l’air
……………….
Quand la vague d’après rejoint celle d’avant
elles glissent ensemble
Une pointe de finesse
sur une plage endormie